Chères toutes et chers tous,
Nous voilà déjà en avril ! Le printemps est arrivé, les arbres retrouvent peu à peu leurs nuances de vert, le parfum des premières fleurs embaume l'air… Les citadins reprennent leurs promenades dans les parcs en quête d’un coin de verdure où se ressourcer loin du bruit de la ville. Certains rêvent de campagne ou de marche en montagne, d’autres de bord de mer. Mais que celles et ceux qui ressentent l’appel du grand air sans pouvoir y céder se rassurent : les livres sont là pour nous aider à nous (re)connecter avec la nature.
“Le vent aussi dispersait certaines graines. En même temps que l'eau réapparut réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre.” Jean Giono
Thème privilégié de la littérature mondiale - du haïku japonais aux longues descriptions balzaciennes et motif obsessionnel des grands écrits romantiques - la nature fascine, émeut, inquiète, au point de devenir l’objet central de nouvelles pratiques d’écriture désignées par l’appellation anglophone de “Nature Writing” au tournant du XXe siècle.
Qu’est-ce exactement que ce Nature Writing ? Un style d’écriture qui puise sa source dans de nombreux écrits des siècles passés mais qui s’établit en tant que genre littéraire à part entière à partir du texte fondateur du philosophe américain Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans la bois, publié en 1854. À l’origine, ce genre rassemble les textes fictionnels ou autobiographiques qui font la part belle à la nature en tant que sujet principal du récit. Elle y est traitée à la façon d’un personnage dont le rôle est au moins aussi important que celui des humains. Les écrivains explorent la puissance, les dangers et la mise en péril de l’environnement.
Le Nature Writing connaît un véritable essor au cours du XIXe siècle en réaction à l’industrialisation de l’Occident qui pousse certains auteurs à s'interroger sur la nécessité de préserver la planète. En France, cette pratique est d’abord popularisée par la maison d’édition Gallmeister qui lui consacre toute une collection. Les problématiques écologiques contemporaines se placent peu à peu au centre de ces livres qui plaident pour une responsabilité environnementale de tous les individus, lecteurs et lectrices compris.
“Un arbre est un passage entre terre et ciel.” Richard Powers
La succession de crises écologiques auxquelles notre époque fait face bouleverse la donne : à mesure que l’urgence de véritables discours d’alerte se fait ressentir, le Nature Writing évolue dans sa forme pour épouser la fiction.
Ces dernières années ont ainsi vu fleurir nombre d’écrits à travers lesquels auteurs et autrices s’engagent dans une véritable lutte, comme en témoignent les romans remarqués de Jean Hegland (Dans la forêt, Gallmeister, 2017) ou encore le best-seller de la zoologue américaine Delia Owens (Là où chantent les écrevisses, Seuil, 2020). Un article récent d’Actualitté, qui présente les auteurs en lice pour le Prix du Roman d’Ecologie 2023, souligne que cette prise de conscience se traduit par l’apparition de tout un panel de nouveaux genres et sous-genres littéraires : éco-fictions, éco-thrillers, dystopies, ou “arpentage de paysages”... On voit également s’épanouir le concept d’“écoféminisme” qui fait notamment l’objet d’un essai éclairant de Myriam Bahaffou paru en 2022. Du côté de la littérature de jeunesse, Nathalie Prince et Sébastian Thiltges commentent l’émergence de ces “éco-graphies” qui s’emparent de la question écologique en renouvelant la production littéraire destinée au jeune public.
Ainsi, le Nature Writing nous transporte à travers ses descriptions de paysages à couper le souffle. Il nous rappelle aussi à l’un de nos devoirs fondamentaux en tant qu’êtres humains : prendre soin de notre environnement et préserver la planète que nous lèguerons à nos enfants sous peine de nuire à notre propre espèce. L’éthique, le respect et le soin sont des valeurs chères à Love for Livres : si, comme le rappelle l’association Pour l’écologie du livre, le secteur du livre a encore beaucoup de progrès à faire pour devenir viable au plan écologique, certaines initiatives que nous saluons prônent la sobriété énergétique et tentent de développer de nouvelles pratiques culturelles responsables et durables.
Profitez bien de ce début de printemps pour vous plonger dans un livre de Nature Writing, de préférence au pied d’un arbre aux feuilles nouvelles ! La nature apaise et fait du bien, les neurosciences nous l’enseignent.
Bon mois d’avril aussi agréable qu’engagé grâce aux pouvoirs de la lecture !
Comme toujours, vos retours sont les bienvenus.
📚 Readlist : 3 livres pour redécouvrir la nature dans toutes ses dimensions
L’homme qui plantait des arbres, Jean Giono : pour reforester la Haute Provence aux côtés d’Elzéard Bouffier.
Les derniers géants, Ash Davidson : pour se dresser face aux compagnies d’abattage massif des arbres avec Colleen.
Le dernier des siens, Sybille Grimbert : Pour découvrir une magnifique histoire d’amitié entre un oiseau et un homme.
🎙L’Interview Émotions : Annie Lulu
Dans Peine des faunes, Annie Lulu nous plonge dans le quotidien d’une famille nombreuse tanzanienne en 1986. Révoltée par les pratiques d’une compagnie pétrolière sur le point d’exproprier les habitants de son village natal, la mère entre dans une lutte qui aura un impact sur le destin de la famille sur cinq générations.
©Charlotte Krebs
Née en 1987 en Roumanie, Annie Lulu est romancière et poétesse. Son premier roman, La Mer Noire dans les Grands Lacs (2021), unanimement salué par la critique, a reçu le prix Senghor, le prix de la Littérature de l’Exil, le prix Alain-Fournier et le prix Cocteau. Nominé pour le prix du Roman d’Ecologie 2023, Peine des Faunes est son deuxième roman. (Lisez !)
1/ Si je vous dis émotions et littérature, à quoi pensez-vous ?
À l’Odyssée d’intensités à laquelle j’aspire avant chaque lecture, à l’invitation à l’élévation humaine que j’attends de chaque texte, même au terme d’un vigoureux combat intérieur avec les choix de l’auteur. Je vois la langue littéraire comme le véhicule de la « rencontre totale » pour reprendre l’expression d’Aimé Césaire, une rencontre radicale avec l’altérité, ce qui n’est surtout pas moi mais va le devenir un peu lorsque j’aurai parcouru le chemin proposé par l’auteur. C’est ce que je cherchais, à 9 ans, 10 ans, en lisant les livres que ma mère avait achetés et rangés dans le salon sans les ouvrir : Tartarin de Tarascon, La Mare au Diable, La Fille du Capitaine, L’Île au Trésor, Crime et châtiment ... Et cette quête d’élévation vers l’autre dirige presque toujours mes choix de lecture littéraire.
2/ L’émotion que vous préférez voir chez quelqu'un ?
La détermination. L’entêtement vertueux qui vient juste après le désenchantement, lorsqu’une personne décide de puiser en elle-même ce qu’elle a de plus beau dans la poursuite de son rêve, et le fait dans la joie, malgré les déconvenues. C’est un peu ce qui m’est arrivé en écrivant mon premier roman.
3/ Le livre qui a suscité chez vous le plus de :
A se tordre d’Alphonse Allais.
L’extraordinaire et inégalé Cantique des Cantiques.
L’Appel de Cthulhu d’H.P. Lovecraft.
Aucun de nous ne reviendra de Charlotte Delbo.
La Supplication de Svetlana Alexievitch.
Le blé en herbe de Colette.
4/ Un des moments les plus émouvants de votre vie de lectrice ou d'autrice ?
La découverte de la poésie de Paul Celan, à la bibliothèque municipale de Cergy-Saint-Christophe après le lycée, à l’automne 2002, et lorsque j’ai pu acheter le volume de ses poèmes choisis traduits par J.P._Lefebvre, le 14 janvier 2003.
5/ Le personnage de roman qui vous a le plus marquée ?
Sonietchka, l’héroïne de Crime et Châtiment. J’avais onze ans et demi, douze ans. Elle est une figure féminine à la fois martyre et une porte vers la rédemption de Raskolnikov le meurtrier, son amour. Sonietchka incarne pour moi la grâce suprême du personnage féminin sacrificiel dans toutes ces œuvres de la littérature universelle où les femmes sont éternellement muettes et souffrantes. Je construis la plupart de mes personnages féminins écrasés autour de cette figure et mes héroïnes en totale opposition.
6/ L’auteur ou autrice qui vous touche le plus ?
Le poète Paul Celan. La romancière Toni Morrison. Deux mondes.
7/ Où et quand préférez-vous lire ?
Ces derniers temps, n’importe quand, chez moi, dans les transports, dès que j’ai une minute. Je suis jeune maman, je lis même aux toilettes.
8/ À qui offrez-vous des livres le plus souvent ?
À mes proches. Il m’arrive d’offrir un livre à un inconnu, une inconnue, dans la rue ou le métro, quand je viens tout juste d’en terminer la lecture.
9/ Le livre qui a changé votre vie ?
Mon premier roman, La mer Noire dans les Grands Lacs, continue inlassablement de transformer ma vie vers mon rêve d’enfant.
10/ Épilogue : finissez la phrase suivante > La littérature m’émeut quand…
elle se donne pour tâche de transformer un micro-bout du monde à partir des « petits-riens ».
🧠 Les secrets de nos émotions : un lien inextricable entre nature et santé mentale
Une étude danoise de 2019 le prouve : l’exposition à la nature a des effets positifs sur la santé mentale des individus ! La chercheure Kristine Engemann signale la nécessité de créer davantage d’ espaces verts dans les villes. Une autre enquête menée en Grande Bretagne confirme les bienfaits que procurent la présence d’arbres au sein de l’environnement dans lequel les humains évoluent. En effet, dans une série de webinaires qui étudient les liens entre environnement et santé psychique, l’Instance Régionale d'Éducation et de Promotion Santé Auvergne-Rhône-Alpes rappelle que les plantes améliorent la qualité de l’air et que leur contemplation favorise le développement de sentiments d’espoir et de joie. Ces effets ressentis ont un impact important sur la qualité du sommeil des individus, la réduction du stress et de la dépression.
La nature permet donc à l’individu de se ressourcer et de réguler son stress pour amorcer son retour au calme lors d’épisodes émotionnels mouvementés. Pourtant, comme l’explique Glenn Albrecht dans son essai Les émotions de la terre (Les liens qui libèrent, 2020), la conscience de la dégradation accélérée de la planète et le constat de l’état de décrépitude de certains environnements ont à leur tour un impact négatif sur la vie affective humaine. Le philosophe appelle “solastalgie” cette sensation d’impuissance que ressentent les individus face aux dégâts causés par la crise écologique.
Dans un article qui revient sur les conséquences d’un avenir incertain au plan écologique sur la santé mentale, Julie Donjon revient sur la notion d’“éco-anxiété” qu’elle définit comme “Une forme d’anxiété, d’appréhension et de stress liés au changement climatique et aux menaces constatées ou anticipées sur les écosystèmes.” Elle appelle les praticiens à considérer avec sérieux cette nouvelle forme de détresse émotionnelle qui caractérise le climat affectif de l’époque contemporaine et ses enjeux. Parmi les solutions proposées par la chercheure, le recours à l’éco-thérapie résonne particulièrement avec notre propos initial : un “bain de forêt”, une balade poétique au milieu des champs, voilà qui devrait aider les personnes éco-anxieuses à réguler leurs émotions ! Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de pratique de l’éco-bibliothérapie en pleine nature via le programme européen Erasmus +.
Le conseil de lecture de Love for Livres pour appréhender le stress généré par la crise écologique et retrouver confiance en l’avenir : Richard Powers, L’Arbre-Monde ; bienfaisant et engagé, ce livre mobilisera vos émotions positives face à l’enchantement que représente la nature !
📬 Une histoire : Henry David Thoreau, une vie au plus près de la nature
Passer deux années seul au milieu de la nature, en autarcie ? C’est l’expérience qu’a vécue le philosophe américain Henry David Thoreau, pionnier de l’écologie politique. Né en 1817 dans le Massachusetts, il décide en 1844 de se retirer près de l’étang de Walden, sur un terrain acheté par son ami et mentor Ralph Waldo Emerson. Un véritable retour à la nature qui lui inspire de nombreuses considérations philosophiques.
Thoreau se construit lui-même une cabane en pin et entreprend de vivre de façon autosuffisante. Il produit les légumes nécessaires à son alimentation en plantant un hectare de pommes de terre, de fèves, de blé et de maïs. Végétarien, il se refuse à chasser les animaux des bois environnants. Il ne s’agit pas totalement d’un ermitage, puisqu’il revient souvent à la ville de Concord - dont il n’est qu’à un kilomètre et demi de distance - voir ses amis. Cette expérience durera deux ans, deux mois et deux jours, après quoi il retourne vivre à Concord auprès de ses proches.
Au cours de cette retraite, Thoreau écrit le livre Walden ou la vie dans les bois qui sera publié en 1854. Il y raconte son séjour en y mêlant ses observations, ses pensées et ses spéculations. Le philosophe décrit longuement la nature dans laquelle il habite ainsi que les réactions des gens à son désir de s’éloigner de la vie en société. La construction du livre suit le rythme des saisons, et les critiques qu’il émet à l’encontre du monde occidental en font un véritable pamphlet. Il interroge le sens de l’existence, le rapport à la Nature et appelle à une refonte de l’éthique basée sur le rythme des éléments.
Walden ou la vie dans les bois est devenu l’un des ouvrages fondateurs du NatureWriting. Traduit dans plus de 200 langues, ce désormais classique de la littérature américaine a inspiré de nombreux autres écrits dont certains, tels que le best seller Into The Wild, sont à l’origine d'œuvres cinématographiques devenues emblématiques.
📜 Citation(s)
“On n'a pas deux cœurs, l'un pour les hommes l'autre pour les animaux, on a du cœur ou on n'en a pas.” Lamartine
“Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants.” Antoine de Saint-Exupéry
“Si l'on m'apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier.” Martin Luther King
✨ Actualités de Love for Livres et des livres
Un programme RH vraiment efficace ? Remettre le livre au coeur de l’entreprise.
Vous cherchez un programme RH vraiment révolutionnaire ? Essayez les livres !
Le sujet de la santé mentale au travail est malheureusement très actuel : 44 % des français au travail sont en état de détresse psychologique (Cabinet Empreinte 2023). Et si les livres avaient des solutions à nous apporter ? La lecture a de nombreux bénéfices : prendre soin de notre santé, nourrir notre empathie et stimuler notre créativité. Ces trois éléments sont absolument nécessaires à notre épanouissement personnel mais aussi professionnel.
Dans le contexte sociétal que nous traversons, réintroduire le livre dans les organisations et les entreprises à travers les programmes RH est donc essentiel. Pas divertissant, sympa, original ou fantaisiste. ESSENTIEL.
👉 A quelques jours du Festival du Livre de Paris, tribune de la cofondatrice de Love for Livres Céline Mas à retrouver ici
Love for Livres Academy, c’est parti !
Il vous reste encore un peu de temps pour vous inscrire à l’une des deux sessions de présentation de notre tout nouveau programme de formation. Venez découvrir nos 3 parcours conçus pour vous transmettre notre méthodologie de bibliothérapie qui allie sciences cognitives et livres de fiction.
La bibliothérapie est une technique innovante d’accompagnement et de soin par les livres en plein développement. Elle répond à un véritable besoin d’amélioration du bien-être personnel et professionnel des individus, au travail ou dans leur vie privée, au plan mondial.
Rejoignez-nous pour diffuser le pouvoir des livres auprès du plus grand nombre en devenant les bibliothérapeutes de demain !
Prix du Roman d’Ecologie 2023
Créé en 2018, le prix du Roman d’Ecologie récompense chaque année un roman francophone consacré aux questions écologiques. Le but est de sensibiliser le public à ces problématiques à travers la littérature de fiction, qui a le pouvoir de développer nos imaginaires et d’ouvrir nos perspectives sur le monde qui nous entoure. Le jury est constitué des fondateurs de l'Association du Prix du Roman d’Ecologie, d’écrivains, de professeurs, de journalistes… Découvrez les six romans sélectionnés pour l’édition 2023 :
Résultats le 20 avril ! Un pronostic ? N'hésitez pas à nous le partager à l’adresse mail : contact@loveforlivres.com ou via notre compte Instagram !
Le Festival du Livre de Paris 2023 arrive !
Amis parisiens, à vos agendas ! Du 21 au 23 avril se tiendra le Festival du Livre de Paris. Trois jours qui célèbrent la littérature sous toutes ses formes. Et cette année, c’est l’Italie qui est reçue comme invitée d’honneur ! Le programme est riche : ateliers, entretiens avec des auteurs, dédicaces, expositions d’éditeurs et bien d’autres choses encore ! Le public aura la chance d’assister aux échanges de Marie-Aude Murail, Daniel Pennac, Lola Lafon ou encore Eric-Emmanuel Schmitt sur des sujets très variés tels que l’écologie, la mémoire, l’écriture…
La majorité de ces évènements se dérouleront au Grand Palais Éphémère, mais d’autres auront lieu “Hors les murs” : à l'Académie du Climat, au Café de la mairie, à la médiathèque Marguerite Yourcenar…
La billetterie est ouverte : n’hésitez pas à prendre vos places ! Peut-être nous y croiserons-nous👀
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