Pascale Senk est journaliste et auteur d’essais. Spécialisée en psychologie, elle a notamment eu en charge, pendant dix ans, la rubrique hebdomadaire « Psycho Sante » du Figaro. Elle se passionne depuis une dizaine d’années pour la poésie Haïku et lui a consacré différents livres :
Préface à l’anthologie « l.art du Haïku » traduite et présentée par Vincent Brochard, ed Livre de Poche, 2010
« L.Effet Haïku, lire et écrire des poèmes brefs agrandit notre vie » (ed -leduc, 2016- éditions Points’ seuil, 2018)
« Mon année Haïku » (ed Leduc.s, 2017). Version poche « un haïku chaque jour » parue en octobre 2019 (coll Vivre, Points, éd Seuil).
Elle conçoit aussi le premier podcast français consacré au Haiku : « 17 syllabes », qu’on peut écouter sur toutes les platformes et sur Apple Podcasts (https://podcasts.apple.com/fr/podcast/17-syllabes-leffet-ha%C3%AFku/id1500737944), Ausha https://podcast.ausha.co/podcast-17-syllabes-l-effet-haiku et Deezer https://www.deezer.com/show/992652
1/ Si je vous dis émotions et littérature, vous pensez à quoi ?
Ces livres qu’on ne peut plus lâcher une fois commencés, car le voyage intérieur qu’ils font naître en nous ne doit, ne peut s’arrêter... je pense à «Tendre est la nuit » de Fitzgerald et l’angoisse de la folie qui rôde, au « Petit chose » d’Alphonse Daudet qui me faisait mettre des mots sur la honte de n’être « que soi », aux « Nourritures terrestres » de Gide passant le souffle de la liberté et du bonheur de vivre....À la fois des émotions qu’ils me faisaient découvrir, et d’autres sur lesquelles je pouvais enfin m’identifier, à travers un auteur....ou un personnage
2/ Les deux ou trois lectures qui vous ont le plus émue dans votre vie. Pour quelle raison ?
« Madame Bovary » de Flaubert a été un tournant. Avec son écriture au scalpel, son humour mais aussi, au fond, sa compassion, l’immense Gustave me donnait à voir et ressentir le monde intérieur d’une femme si naïve qu’elle en devient une âme pure dans une société de brutes...pour l’ado que j’étais alors, la fragilité, l’« idiotie » et l’idéalisme d »Emma résonnaient comme ceux d’une sœur...
Il y eut aussi le « journal » d’Anaïs Nin dont j’ai dévoré tous les tomes en quelques semaines...rentrer à ce point dans une âme créatrice et libre à été une chance, une forme d’initiation. J’en ai gardé un goût irrépressible pour les journaux intimes.
Plus récemment, la lecture du poète japonais Issa et notamment son « Année de printemps », avec ses haïkus tendres et existentiels, a été comme une source de jouvence. Cet homme simple qui a a vécu tant d’épreuves, les humiliations dans l’enfance, la perte de ses femmes, la mort de ses enfants, poursuit jusqu’au bout un chemin humble d’écriture quotidienne où il diffuse des perles poétiques :
« rien qui m’appartienne
Sinon la paix du cœur
et la fraîcheur de l’air !»
3/ L’émotion que vous préférez voir chez une femme.
L’humour et l’enthousiasme.
4/ L’émotion que vous préférez voir chez un homme.
La mélancolie, la tendresse
5/ Le livre qui a suscité chez vous le plus de :
Joie
« L’antivoyage » de Muriel Cerf : son écriture flamboyante racontait l’Inde mieux que des photos
Amour
« La plus que vive » de Christian Bobin : perdre son amour et continuer a le faire vivre ainsi, quel talent!
Peur
« Germinal » de Zola : jusqu’où Gervaise allait-elle tomber?
Tristesse
« Une vie bouleversée » d’Etty Hillesum, la tristesse de voir qu’une si belle compagne de vie soit éliminée...
Colère
« Mars » de fritz Zorn...la névrose bourgeoise si bien détaillée qu’elle nous agresse encore
Suprise
« L’Homme-Dé » Dice man » de Luke Rhinehart... formidable procédé narratif: le hasard des tirages d’un simple dé...!
6/ Lequel de vos livres a suscité en vous les émotions les plus intenses ? Pourquoi ?
« l’Effet Haïku », un essai totalement amoureux et enthousiaste dans lequel j’essaie de transmettre l’essence d’une poésie brève japonaise si éloignée de nos critères poétiques...Je l’ai écrit finalement assez facilement, d’un jet, portée par la puissance de cette découverte qui a transformé mon regard sur la vie
7/ Un des moments les plus émouvants de votre vie d’écrivain ?
Quand un manuscrit est terminé et qu’il faut, comme un enfant, le lâcher dans l’inconnu de la vie.
8/ Le personnage de roman qui vous a le plus marquée. Pourquoi ?
Lucien de Rubempré, dans les Illusions Perdues. Pour son mal être et son sentiment d’inadéquation sociale, son arrivisme tragique, ses rêveries...peut être parce que, je l’ignorais alors, j’allais devenir journaliste moi aussi et rencontrer un siècle plus tard ce même monde qu’il doit traverser dans le roman de Balzac.
9/ L’auteur qui vous touche le plus ?
Difficile à choisir...Henry Bauchau qui, dans son journal sur tant d’années, dévoile toute son âme, le pire et le meilleur...
10/ Où et quand préférez-vous lire ?
Le matin, tôt, quand la maison est endormie et avant l’activité. Ou au réveil d’une sieste, en été...
11/ A qui offrez-vous des livres le plus souvent ?
A des amies, quand je pense que tel livre les éclairera sur une difficulté qu’elles traversent
12/ Votre état émotionnel actuel en tant qu’écrivain.
Anxieux, comme toujours
Epilogue : finissez la phrase suivante > La littérature m’émeut quand….
…elle m’offre encore davantage de vie.
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